1) Un rituel

Le corps vient en premier, l’écriture raconte ensuite.

Une chance de mieux repérer cette force inspirante s’annonce.

La réflexion et la mise en place de rituels est essentiel dans la pratique de la gh . D’ailleurs, Jackie Labadens en a modélisé les multiples aspects et le sens [1] :

 « Dans la pratique, les rituels de prise de repères font partie de mes outils éducatifs. Il s’agit de créer une séquence répétitive, un intervalle consacré à l’observation… Nous pouvons parler d’expérience plutôt que d’« exercice ». En effet, l’« exercice » fait appel à une répétition systématique afin d’obtenir un résultat. Or, en Gymnastique Holistique, les mobilisations du corps sont proposées dans la perspective de vivre une «expérience», d’en recueillir les fruits et d’en retirer une connaissance : apprendre de soi-même, le soi qui nous informe. La prise de repères est une expérience récurrente : elle est un rituel et rythme les séances. »[2] J.L.

Le rituel choisi est celui d’une « déambulation ». Ce rituel est un moment pour entrer dans l’expérience de l’écriture et pour la refermer par une cueillette de mots.

La déambulation  pour une « cueillette de mots » est un moyen en apparence facile à exécuter. En tant que prise de repères, elle est reconnue pour améliorer l’attention, la motivation, la confiance en soi et les capacités de réaction. Elle est performante aussi pour développer les aptitudes physiques et artistiques[3].

Ce rituel utilise un des meilleurs moyens d’apprentissage pour le corps et le cerveau : le mouvement[4]. Souvent, les participants ne se rendent pas compte tout de suite de cette dimension.

Le mouvement du corps a pour objectif de libérer le stress qui bloque l’activité cérébrale. Les travaux de Paul Dennison ont montré que le mouvement « facilite aussi le travail fluide et harmonieux des deux hémisphères cérébraux (cerveau du raisonnement), du système limbique (cerveau des émotions), et du cerveau reptilien (cerceau des réactions) » [5].

Notre corps devient le point de départ d’un processus créatif. La création peut alors prendre forme dans la matière, en « shuntant » notre mental.

Ci-dessous, quelques propositions de déambulations de début et de fin de séances viennent illustrer cette prise de repères singulière :

Prise de repères/Début de séance :

Déambulation  pour une cueillette des mots à son rythme dans la salle en silence.

Déambulation  avec « un presque rien plus rapide… plus lent… que votre rythme…»  

« Tout en restant en silence voyez où se place votre respiration. Voyez aussi comment vous pouvez la qualifier »

Reprise de la déambulation à son rythme en associant les mots : « Tonicité, détente… »

Noter librement sans commentaire, sans censure, et toujours en silence « Ce qui vient là…  »

Cet écrit vous appartient.

Objectif : Permettre une écriture « qui trouve son entrée » dans un déplacement à rythmes variables {Espace/rythmes/Prise de confiance}.

Prise de repères/Fin de séance :

Déambulation pour une nouvelle cueillette des mots à rythmes variables en silence.

Associer les mots  de ce temps d’atelier d’écriture : ceux qui ont été les plus inspirants, les plus révélateurs pour vous.

Observer en quoi ces mots modifient « un presque rien de d’expression… »

Déambulation à son rythme dans la salle en silence.

Ecrire un texte  sans lever le crayon.

Objectif : Poursuivre une écriture « qui a trouvé son entrée et qui pose une base d’écriture » dans un déplacement à rythmes variables {Espace/rythmes/Prise de distance}.

Prise de repères /Début de séance :

Déambulation pour une cueillette des mots à son rythme dans la salle en silence.

Déambulation  « tantôt à l’unisson, tantôt en un ordre dispersé ».

Reprise de la déambulation « à son rythme ».

Observer en silence « Où se place votre respiration… »

Ecrire en continue un texte  sans lever le crayon pendant  2’.

Objectif : Faciliter une écriture « qui prend corps » dans le mouvement à plusieurs {Construire-Déconstruire-Reconstruire}

Prise de repères/Fin de séance :

Déambulation pour une nouvelle cueillette des mots avec des rythmes variables.

Reprise de la déambulation « en avant, en arrière, un pas de côté, un temps d’arrêt, reprise de la marche… » Associer les propositions, les échanges de la matinée.

Observer en quoi ce changement de rythme modifie « un presque rien de netteté, de fluidité, de discernement dans les pensées… »

Accueillir en silence les « mots qui montent »…

Ecrire toujours en silence « ce qui se révèle à soi… » Sans jugement, sans censure.

Objectif : Se quitter avec l’invitation d’écrire l’approche de l’état de choc travaillé dans la matinée par l’articulation « du local au global ».

La déambulation pour une « cueillette des mots » est une invitation à plonger en soi. Cette approche s’imprime en chacun comme un calque précieux et fidèle au travail de Jackie Labadens autour de la place essentielle d’un rituel :

«  Le rituel donne existence et consistance à l’être en lui montrant sa partie fluide même s’il est douloureux. C’est un endroit où sa douleur est réduite à une donnée comme une autre de son être. Ici, il n’est pas hors norme. Le groupe, par sa parole autocentrée, le laisse vivre sa différence. Si personne n’est référent, il ne se sent pas seul pour autant. Il est guidé comme les autres pour s’occuper de lui-même avec bienveillance. Le rituel, par sa simplicité, dispense un climat de transparence et d’authenticité. La confiance s’installe : confiance envers le praticien et en lui-même. Personne n’est dans le jugement. Chacun reconnaît l’intérêt du rituel : cela le sécurise, il peut y adhérer. En outre, certains balancements, bercements en position enroulée reviennent comme des rituels apaisants. » [6]J .L.

L’écriture qui suit juste après le rituel de la « cueillette des mots » va agir comme un révélateur ou un traducteur de ce que le corps « en dit ». Et, tandis que chacun écrit intimement en silence, une foule de ressentis, d’émotions évoluent avec les mots, les phrases que la main encre. Chacun s’autorise son langage. Ce langage a une teneur et une inscription sur la feuille. Ses pleins. Ses vides. Ses arabesques. Ses sédiments. Ses surprises.

En règle générale, les tissus du commerce sont répertoriés en fonction de leurs textures, ou de leurs possibilités d’utilisation. Il existe ceux destinés à l’habillement, ceux prévus pour la protection, comme les tissus anti-feu  pour les pompiers, ou encore ceux réservés à l’industrie. Le nom des tissus est quand à lui défini par le (s) type (s) des fibres et des fils qui le composent : coton, lin, polyester, soie, acrylique ou chanvre….  Pourtant, par delà toutes ces normes et précautions d’usage, les tissus permettent de créer à l’infini, se transforment, se révèlent  au gré des fantaisies et des besoins des utilisateurs.

Par analogie, j’ose penser que les fibres sont pour les tissus ce que les mots sont pour a formulation des idées. Peu importe les répertoires et les normes qui conditionnent  les représentations de chacun, ici il s’agit d’aller chercher en soi « ce qui se révèle » sous toutes ses formes. Spontanément. Librement. 

Ce qui est sûr, c’est que dans ce moment de rituel, l’écriture est unique, particulière, vraie. Avec ses mots redoutés. Avec ses mots espérés. Sans censure. Sans peur de décevoir. Ce qui donne encore plus de puissance au processus symbolique.

Par l’écriture en fin de déambulation, chacun passe des pensées à une représentation concrète inscrite dans la matière. Le geste de la main est associé à l’écriture.  

Pour que cette inscription dans la matière reste tangible, un travail d’écriture prend le relais avec des consignes précises. Chacun s’implique pour transmettre de façon active une ergonomie des mots et limiter les dispersions. Pour rendre visible des paradoxes en s’interrogeant : « Comment séparer ce qui se vit au niveau d’une articulation ou un segment pour mieux prendre conscience de l’unité corps ? » [7]

Lors de la pratique de la gh, le mouvement s’accompagne d’un mouvement respiratoire. Le mouvement respiratoire permet alors au corps de se réparer et de s’ouvrir aux dimensions de l’esprit.

L’expérience des mots vient apprendre à voir « plus de choses » d’un corps, d’un corps en mouvement. Le sien pour commencer.

Pour y parvenir, il  est possible de se saisir de consignes pour un mieux être dans et par le corps.


[1]  Référence : Jackie Labadens. Extrait de « Essai de théorisation d’une pratique éducative singulière : la Gymnastique Holistique » D.U. Sciences de l’Education, Université, Toulouse 2 / 2008,  p 50.

[2] Op. cité  essai de Jackie Labadens.

[3] Travaux issus de la Brain Gym, de Paul et Gail Dennison, docteur en Sciences de l’Education et novateur dans le domaine de la recherche appliquée sur le cerveau. Ses découvertes se basent sur la corrélation entre le développement physique, l’acquisition du langage et la réussite scolaire (1980).

[4] Ouvrage de référence : « Le mouvement, clé de l’apprentissage », Paul Dennison, Editions Souffle d’or, 1992,  150 pages.

[5] Référence : formation Brain Gym, Catherine Chabert, kinésiologue professionnelle, membre de la Fédération Française de l Kinésiologie Spécialisée, formatrice en kinésiologie pédagogique.

[6] Référence : Jackie Labadens. Extrait de « Essai de théorisation d’une pratique éducative singulière : la Gymnastique Holistique » D.U. Sciences de l’Education, Université, Toulouse 2 / 2008. p 52.

[7] Op. citée : Jackie Labadens p 54.